Article
Les enfants déscolarisés et non scolarisés de Djibo retrouvent le chemin de l’école
Dans la salle de classe, tous les élèves sont concentrés sur ce que dit l’animatrice. Nous sommes au Centre El-Nour de Djibo, dans la région du Sahel, au nord du Burkina Faso. Ici, une centaine d’élèves suivent des cours ; certains pour rattraper le cursus scolaire formel et d’autres pour obtenir les notions de base en lecture-écriture, en mathématiques et en compétences de vie courante (histoire-géographie, sciences de la vie et de la terre). A Djibo, pour l’année scolaire 2022-2023 et malgré les risques sécuritaires, les cours ont bel et bien repris. Mais comme beaucoup d’élèves de Djibo ont connu des interruptions scolaires, des solutions ad hoc ont été trouvées avec le Programme d’Education par la Radio (PER) et la Stratégie de Scolarisation Accélérée/Passerelle (SSA/P).
Bibata Tiendrebeogo est une jeune fille âgée de 19 ans qui vit avec un handicap. Elle vient de Serkissouma, un village situé à 42 km de Djibo, dans la province du Soum, Région du Sahel. Il y a 4 ans de cela, elle est venue à Djibo pour soigner une méningite mais a malheureusement été bloquée dans la ville par crainte des attaques menées par les groupes armés sévissant dans la région.
« A Serkissouma, j’allais à l’école. J’étais en classe de CE2. Quand je suis venue à Djibo en 2019 pour me faire soigner, la crise sécuritaire était à son summum. Bloquée à Djibo depuis lors, je n’ai pas pu ni reprendre l’école, ni me faire soigner. Je suis devenue une déplacée interne. »
En effet, depuis 2019, la région du Sahel connait une crise sans précédent ; elle accueille aujourd’hui plus de 500 000 personnes déplacées internes selon le CONASUR et compte 1 058 établissements scolaires fermés, affectant plus de 127 000 élèves selon le Secrétariat Technique à l’Education en Situation d’Urgence. Comme Bibata et ses parents, beaucoup d’habitants de la région ont trouvé refuge à Djibo, une ville qui est aujourd’hui coupée du reste de la région et de la capitale en raison de l’insécurité sur les routes d’accès.
« C’était vraiment difficile pour nous. Nous n’avions pas de quoi manger. Heureusement, le gouvernement et les organisations internationales sont venus à notre secours. Grâce à l’UNICEF, cette année, on a pu renouer avec l’apprentissage scolaire », raconte Bibata.
Bibata est très motivée et malgré son handicap qui la fait souffrir quand elle marche, elle vient tous les jours suivre les cours offerts par l’ONG SERACOM. Après les cours, elle révise ses leçons et prend plaisir à raconter ce qu’elle a appris. D’ailleurs cette année, grâce à ses efforts soutenus, Bibata est première de sa classe.
« Ça me fait vraiment plaisir de retourner à l’école. Je suis reconnaissante d’avoir cette opportunité. Je voudrais juste qu’on me facilite mes déplacements vers l’école. J’utilise un bâton pour marcher mais ce n’est facile », explique Bibata.
Grâce au soutien du service de la Commission européenne de l'Aide Humanitaire et Protection Civile (ECHO), l’UNICEF mobilise sur le terrain des ONG locales afin d’aider les enfants à continuer à apprendre, à travers diverses alternatives éducatives. Au Centre El Nour, les alternatives éducatives existantes sont la SSA/P ou le PER. Les cours SSA/P permettent la poursuite des apprentissages scolaires au profit des enfants déscolarisés ou non scolarisés âgés de 9 à 12 ans. Ainsi en une année, les élèves comme Bibata suivent, du lundi au vendredi, les cours correspondant à trois niveaux. A l’issue de 9 mois d’enseignement-apprentissage, les enfants ayant le niveau escompté sont transférés en classe de CE2. L’ONG SERACOM, en 2022-2023, a offert une place en SSA/P au sein de 15 centres à 102 élèves dont 62 filles tandis que 74 élèves dont 44 filles ont déjà réintégré le système scolaire formel en fin d’année.
« Cette année, les élèves du SSA/P ont suivi les cours du CP1-CP2-CE1. Nous commençons par l’apprentissage de la langue maternelle et du français. Pour le Programme d’Education par la Radio, tout le monde peut s’inscrire dans nos clubs d’écoute, même les adultes et les personnes non scolarisées. Le contenu diffusé à la radio a été élaboré depuis le niveau CP1 jusqu’en classe de sixième. Il y a également des leçons de culture générale et de morale », explique Alassane Gansore, chargé d'éducation à l’ONG locale SERACOM.
A Djibo, SERACOM a mis en place 15 clubs d’écoute pour le Programme d’Education par la Radio, avec un effectif d’environ 40 apprenants par club. Ce programme a été pensé pour les zones les plus difficiles d’accès, afin de permettre aux enfants en âge scolaire de poursuivre leur apprentissage grâce à des leçons diffusées par la radio, qui ont été conçues par le Ministère de l’Education et auxquelles s’ajoutent des leçons portant sur les compétences de vie, la protection de l’enfance ou l’hygiène. C’est un moyen sûr et fiable de permettre la continuation de l’enseignement, en raison de sa discrétion.
Ce sont donc au total environ 1 025 apprenants dont 533 filles qui ont bénéficié de l’appui de l’UNICEF dans la commune grâce au travail de SERACOM. En plus de dispenser les cours, les animateurs locaux ont été formés aux modules Safe School et PSEA afin d’aider à garantir la sécurité des élèves et de participer à la résilience de la communauté. Dans une situation où la sécurité est volatile et où des coups de feu peuvent retentir à tout moment, les élèves et les parents font preuve de résilience, en essayant malgré tout de continuer à avancer. Et c’est pour offrir un avenir meilleur à leurs enfants que beaucoup de parents sont heureux de pouvoir les envoyer dans ces centres d’apprentissage formel et non-formel, afin qu’ils bénéficient des programmes tels que le PER et la SSA/P, financés par ECHO.